Retraites 2019 : le point sur une réforme particulièrement attendue
12/03/2020
C’est peut-être le chantier le plus important du quinquennat Macron. La réforme du système de retraite prend forme et dévoile ses contours au fur à mesure des mois et des déclarations de Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites en charge de mener ce projet d’envergure.
Pourtant, depuis l’annonce de son lancement fin 2017, des interrogations demeurent, et certaines déclarations contradictoires posent question. Des premières réponses ont été apportées lors de l’allocution télévisée du président Emmanuel Macron le 25 avril dernier. D’autres points de la réforme restent encore en suspens.
Justice et simplification, les ambitions de la réforme des retraites
A noter : cet article ne présente que les grandes lignes connues au moment des concertations de 2019. Depuis, les lignes ont bougé et la réforme sera encore susceptible d'être modifiée d'ici à l'adoption définitive de la loi. Découvrez les dernières nouveautés sur la réforme des retraites dans notre article "Réforme des retraites : les grandes lignes du projet".
Emmanuel Macron ne cache pas son ambition : il souhaite un système plus simple et plus juste.
Plus simple
Notre système actuel comporte 42 régimes de retraite, chacun avec ses spécificités. Or les carrières ne sont plus linéaires et de nombreux Français exercent plusieurs activités sous des statuts différents tout au long de leur vie professionnelle.
L’ambition affichée du gouvernement est de créer un système « universel » de retraite dans lequel les règles seront communes à tous les assurés.
Plus juste
Un système solidaire, pour protéger notamment ceux dont les carrières ont connu des interruptions. Alors que les retraites représentent 16 % du PIB français et
plus de 316 Mds € de dépenses publiques, il s’agit de rendre le système « capable de générer des droits nouveaux », comme l’a assuré la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn le 16 avril 2018, à l’occasion du lancement de la concertation.
Un système par répartition et en points
Si le principe de la répartitionRépartition (retraite par)<p>Mode de gestion technique des systèmes de retraite fondé sur la solidarité entre générations : les cotisations des actifs au titre de l'assurance vieillesse servent immédiatement à payer les pensions des retraités.</p> n’est pas remis en question, la nouveauté réside dans la manière dont seront transformées les cotisationsCotisation retraite<p>Somme prélevée sur les salaires et/ou les revenus professionnels afin de financer les retraites.</p>.
À l’instar du système qui régit la retraite complémentaire des salariés du privé (Agirc-ArrcoAgirc-Arrco<p>Régime unique de retraite complémentaire pour les salariés du privé (cadres et non-cadres) depuis le 1er janvier 2019. Il fonctionne par points.</p>), le nouveau système sera en points et non plus en trimestres. La notion de durée d’assurance disparait.
Ces points seront portés dans un compte individuel et seront convertis en pension de retraite à la fin de la carrière. Tous les points, du début de la carrière jusqu’au départ en retraite, compteront pour le calcul de la pension. Ainsi, pour le calcul de la pension de retraite, toute la carrière sera prise en compte et non plus, comme aujourd’hui pour les salariés du privé les 25 meilleures années, ni pour les fonctionnaires les 6 derniers mois.
Pour les fonctionnaires civils, militaires et salariés des régimes spéciaux, leurs primes seront intégrées au calcul de la pension, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il s’agit donc là d’un changement profond.
Ces points seront obtenus par le paiement des cotisations retraite. « Un euro cotisé ouvrira les mêmes droits », quel que soit le statut et le métier de l’assuré. C’est toute la finalité de la réforme : créer un système « universel » avec des règles communes pour tous. Une limite cependant à « l’universalité » du régime : le niveau des cotisations pourra être différent d’un régime professionnel à l’autre.
Le point sur les dernières annonces
Lors de la conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron s’est prononcé sur les grands axes de l’acte 2 de son quinquennat et notamment sur la très attendue réforme des retraites. Son allocution a permis de clarifier certaines zones d’ombre. Point sur les éléments tranchés à date de la réforme.
L’âge légal de départ reste fixé à 62 ans
La tentation de reculer l’âge légal de départ au-delà de 62 ans a été tuée dans l’œuf. Des discours contradictoires ont créé une certaine cacophonie dans les médias pendant plusieurs semaines. Emmanuel Macron a finalement indiqué que l’âge minimum légal pour partir à la retraite restera bien fixé à 62 ans dans le futur système.
Maintien de la pension de réversion
De nombreux débats ont également porté sur une éventuelle suppression de la pension de réversion. Débats qui ont généré une vive inquiétude. Le mécanisme de la pension de réversion sera finalement bien conservé, mais son mode de calcul devrait évoluer.
La pension de réversion est aujourd’hui calculée sur la base de la pension que percevait la personne décédée (entre 50 % et 60 %). Demain, l’objectif n’est plus de verser une part de la pension précédente, mais de maintenir le niveau de vie du conjoint survivant. La pension de réversion serait donc calculée de façon à ce que le conjoint survivant conserve 66 % des ressources globales du couple (soit de la somme des 2 pensions).
L’augmentation de l’Aspa et du minimum contributif
Le minimum vieillesse (Aspa) va être progressivement augmenté, pour atteindre 903 € en 2020. L’Aspa s’élève aujourd’hui à 868,20 euros. Il vise à compléter les revenus de ceux qui n’ont pas suffisamment cotisé pour avoir une pension de retraite suffisante.
Le minimum contributif : ces derniers mois, le débat public a mis sur le devant de la scène la question de ceux qui, tout en ayant travaillé toute leur vie, ont des pensions très faibles à la retraite. Le minimum contributif, contrairement au minimum vieillesse, est réservé aux assurés qui ont validé tous leurs trimestres.
Pour soutenir ces personnes qui ont suffisamment travaillé pour bénéficier du taux plein, mais dont le montant de la pension reste faible, le président de la République a annoncé que le minimum contributif serait porté de 635,57 € en 2019 à 1 000 € en 2020.
En savoir plus sur les conditions et modalités de ces minima.
L’indexation des retraites sur l’inflation
L’indexation des retraites sur l’inflation signifie que la pension augmente au rythme de la hausse des prix. La sous-indexation signifie que les prix augmentent plus vite que les pensions, conduisant à une perte de pouvoir d’achat.
Initialement, les pensions de retraitePension de retraite<p>Somme versée périodiquement à un assuré après la liquidation de sa retraite, après cessation totale ou partielle de l'activité professionnelle.</p> devaient être revalorisées de 0,3 % en 2019, loin derrière la hausse des prix prévue (1,8 %). Il était prévu qu’elles soient à nouveau sous-indexées en 2020, avant d’être de nouveau indexées en 2021.
Finalement, le président de la République a annoncé que les pensions individuelles (base + complémentaire) inférieures à 2 000 € par mois seraient indexées sur l’inflation. Concrètement, elles seront augmentées en 2019 de 1,8 % au lieu de 0,3 %. Les pensions supérieures à 2 000 € resteront pour leur part sous-indexées jusqu’en 2021.
L’Agirc-Arrco a de son côté annoncé le 5 avril que la pension complémentaire serait revalorisée de 1,3 % en 2019, après des années de revalorisation faible voire nulle. Différence notable, tous les retraités relevant de ce régime sont concernés par cette revalorisation.
Une entrée en vigueur en 2025
L’entrée en vigueur de la réforme est prévue en janvier 2025. C’est à compter de cette date que les pensions seront calculées en points. Les droits acquis avant cette date seront conservés « à l'euro près ».
Les points à clarifier
L’impact du « travailler plus » sur l’âge de départ
Tout en garantissant que l’âge minimal resterait à 62 ans, Emmanuel Macron a insisté sur l’importance de travailler plus longtemps afin de rattraper nos voisins étrangers dont l’âge de départ est plus élevé et afin d’assurer la pérennité financière du système de retraite. Ce « travailler plus » devra passer par un système « qui incite à travailler davantage, mais sans forcer tout le monde ». Pour cela, un système de décote pourrait être mis en place.
De son côté, Jean-Paul Delevoye avait plutôt proposé de créer un mécanisme de surcote qui consisterait à augmenter les pensions de 3% à 5% par année de travail supplémentaire au-delà de l’âge légal.
Finalement, le Premier ministre a confirmé que l’âge légal de départ serait maintenu à 62 ans mais il a également annoncé qu’un « âgé d’équilibre » (aussi appelé « âge pivot » ) pourrait être mis en place afin d’inciter les Français à travailler plus longtemps. Cet « âge d’équilibre » pourrait être fixé à 64 ans et fonctionnerait selon un système de décote-surcote. Les futurs retraités partant avant cet âge verraient leur pension de retraite diminuée d’une décote. A contrario, retarder son départ à la retraite après cet âge pivot permettrait de bénéficier d’une surcote. Les niveaux de décote ou de surcote ne sont pas encore définis.
Ainsi, si le futur retraité souhaite partir à la retraite à 62 ans, il sera libre de le faire, mais il sera incité à travailler plus longtemps par ce système de décote/surcote.
Le montant de la pension de retraite
Tous les régimes seront rassemblés au sein d’un système unique dans lequel le montant de la pension sera calculé en points. Mais quelle sera la valeur de ce point ?
Une crainte exprimée au cours des débats est que la valeur du point soit gelée si les gestionnaires du système le jugent nécessaire. C’est ce que fit l’Agirc-Arrco (régime complémentaire de retraite des salariés du privé fonctionnant par points), pendant plusieurs années. Ce gel de la valeur du point aura comme conséquence une baisse relative du montant de la retraite lors de son calcul.
En dehors du montant de la retraite se pose la question de sa revalorisation.
Sera-t-elle indexée par rapport à l’inflation ? Le Haut-Commissaire a évoqué la possibilité de l’indexer sur les salaires (qui progressent plus vite que l’inflation), mais cette position n’est pas confirmée.
Le taux de cotisation
Il sera normalement de 28 % pour la plupart des assurés (comme les salariés du privé et les fonctionnaires). Mais il existe un certain nombre de secteurs où le taux de cotisation est historiquement bas (indépendants, exploitants agricoles, professions libérales, etc.). Ces différences ne seront probablement pas aplanies à court terme. Ces secteurs conserveront sans doute des taux de cotisations (et donc des montants de retraite) plus faibles au moins au départ.
La prise en compte des périodes non-cotisées
Arrêts maladie, naissance d’un enfant, chômage… La vie est marquée par un certain nombre d’événements pendant lesquels vous ne cotisez pas sur vos revenus. Ces événements sont pour le moment pris en compte sous la forme de trimestres assimilés. Qu’en sera-t-il dans le nouveau système ? La réforme prévoit d’attribuer dorénavant des points gratuits, mais leur nombre n’est pas arrêté.
La retraite anticipée
Les questions sur les conditions de départ anticipé (pénibilité, carrière longue, handicap, etc.) ne sont pas tranchées. Dans un système à points, une carrière plus courte conduirait à une pension moindre. Pour compenser cet effet, le système s’orientera probablement vers un mécanisme d’attribution de points gratuits.
Les régimes spéciaux
Un des buts de cette réforme est de fondre les régimes spéciaux et leurs règles spécifiques au sein d’un système universel. Mais se pose la question du maintien de certaines spécificités, comme par exemple, le maintien d’un âge de départ plus faible pour certains métiers particulièrement difficiles (aides-soignants, policiers, militaires, etc.).
Le nouveau calendrier de la réforme
Contrairement au calendrier prévisionnel du Haut-Commissaire, le 2e trimestre de 2019 ne verra pas le projet de loi déposé au Parlement.
Suite aux différentes concertations, Jean-Paul Delevoye devrait remettre son rapport au gouvernement entre le 14 et le 21 juillet 2019. Le projet de loi sera ensuite présenté en Conseil des ministres, puis devrait être déposé au Parlement, non pas en septembre comme prévu initialement, mais à la fin de l'année 2019.
Il semble que la réforme des retraites se précise peu à peu. Reste à savoir si ses parties prenantes arriveront à maintenir le cap jusqu’à cet été.
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