Divorce à la retraite : en comprendre les raisons

Les chiffres sont formels : les seniors divorcent de plus en plus. Or, une séparation après 60 ans est souvent lourde de conséquences à la fois émotionnelles, sociales et financières. Il n’est pas toujours facile de « refaire sa vie » au moment du passage à la retraite, à ces différents points de vue. Dans ces situations, les femmes sont souvent défavorisées. Comment s’explique ce phénomène ? Et que faut-il savoir pour négocier au mieux ces périodes difficiles ?

Les seniors divorcent de plus en plus souvent

Il faut avoir en tête 3 éléments pour bien situer le phénomène du divorce des seniors aujourd’hui :

  • Globalement, dans l’ensemble de la population, la propension à divorcer baisse depuis le début des années 2000.
  • Les divorces restent moins fréquents chez les seniors que chez les plus jeunes.
  • Mais les seniors divorcent de plus en plus souvent, et leur part dans le total des divorces augmente en conséquence.

En effet, selon une étude de février 2021 de l’Institut national d’études démographiques (Ined), chez les 60 ans et plus, les ruptures représentaient 3 % des divorces chez les femmes et 4 % chez les hommes en 1996. En 2016, ces pourcentages étaient passés respectivement à 8 % et 12 %, soit un triplement en 20 ans. 
 

Pourquoi divorce-t-on davantage à 60 ans qu'autrefois ?

Pendant les deux 1res décennies du 21e siècle, les générations du baby-boom, plus nombreuses, ont commencé à franchir le seuil des 60 ans. Mécaniquement, le nombre de divorces dans ces classes d’âge a augmenté. Mais cela ne suffit pas à expliquer l’ampleur de l’évolution.

Parmi les facteurs qui expliquent la hausse du nombre de divorces après 60 ans, on peut mentionner :

  • Les 1res générations d’après-guerre, qui arrivent depuis 2005 à 60 ans, sont moins marquées par les mœurs traditionnelles, et le divorce n’est pas un interdit pour elles.
  • Le passage à la retraite, coïncidant souvent avec le départ des enfants ou leur accès à l’indépendance, conduit le couple à se retrouver seul avec lui-même, à se concentrer sur sa cohabitation. D’anciennes tensions peuvent alors se manifester.
  • L’espérance de vie plus longue donne des perspectives nouvelles aux jeunes retraités, qui peuvent vouloir commencer une nouvelle vie. 
  • L’absence, le plus souvent, d’enfants mineurs dont il faudrait partager la garde, simplifie beaucoup la procédure de divorce.

Comment se déroule un divorce ?

La loi a beaucoup simplifié le divorce au cours des dernières décennies, d’abord par la réforme de 2004, puis par celle de 2016, entrée en vigueur en 2017, qui permet de divorcer sans passer devant le juge. Depuis cette dernière réforme, plus de la moitié des 130 000 divorces qui ont lieu environ chaque année, se passe devant le notaire et non plus devant le juge aux affaires familiales.

Les types de divorce existants sont les suivants :

  • Le divorce par consentement mutuel : c’est le plus répandu. Les 2 parties, chacune représentée par un avocat, se mettent d’accord sur une convention de divorce. Il s’agit d’un document qui règle le partage des biens, le versement éventuel des pensions, la garde des enfants mineurs quand il y en a. La convention est ensuite validée par un notaire. Depuis 2017, le juge n’a plus à intervenir.
  • Le divorce accepté, ou divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage. C’est l’un des apports majeurs de la réforme de 2004. Les époux sont d’accord pour divorcer, mais pas sur les conditions du divorce. Le juge va alors trancher sur les conséquences du divorce. Les circonstances qui ont conduit à la séparation ne seront pas évoquées. À tout moment, il est possible d’obliquer vers un divorce pour consentement mutuel.
  • Le divorce pour faute : il intervient quand un époux demande unilatéralement le divorce en raison du comportement de son conjoint. Le jugement portera à la fois sur les circonstances ayant conduit à la demande de divorce et sur les conséquences du divorce.
  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal : ce type de divorce peut être demandé de façon unilatérale lorsque la vie commune a cessé depuis au moins 1 an (contre 6 ans avant 2004 !).

En 2020 (chiffres complets les plus récents), le nombre de divorces par consentement mutuel devant notaire s’est élevé à 53 000. La même année, le juge a prononcé 34 000 divorces acceptés, 17 000 divorces pour altération du lien conjugal et seulement 5 500 divorces pour faute. 

Quelles conséquences du divorce après 60 ans ?

L’absence, le plus souvent, de problématique de garde des enfants peut rendre le divorce moins complexe et, en partie, moins douloureux. Pour autant, une séparation peut avoir un impact financier important pour celui des époux qui a le moins de ressources.

C’est souvent le cas des femmes : lorsque celles-ci se sont davantage consacrées à l’éducation des enfants, ont cotisé moins d’années et plus souvent à temps partiel, sur des salaires moins élevés, leurs droits à la retraite seront moins importants. 

L’annonce d’un divorce crée souvent un effet de sidération et d’abattement qui peut conduire l’une des parties à vouloir sortir le plus rapidement possible de la situation, quitte à sacrifier l’avenir. Il est important de prendre son temps et de se faire conseiller dans ces moments difficiles.

Les modalités du partage des biens du couple sont un enjeu décisif au moment de la séparation. Pour assurer la sécurité financière du membre du couple le plus défavorisé, une prestation compensatoire peut être prévue.

Celle-ci peut prendre plusieurs formes (cumulables) :

  • Le versement d’un capital en liquide.
  • L’attribution d’un bien immobilier, par exemple la résidence principale, à l’un des 2 époux. Dans ce cas, l’époux qui garde la résidence est dispensé de racheter sa part à l’autre époux, et cette part est valorisée sous forme de prestation compensatoire.
  • Le versement d’une rente provisoire ou définitive pour compenser la perte de revenu.
A noter : L’intérêt d’un versement de la prestation compensatoire en capital, qu’il soit liquide ou immobilier, est que le bénéficiaire n’est pas imposé. La rente, en revanche, est imposée comme une pension alimentaire, c’est-à-dire ajoutée au revenu. 

Quelles conséquences du divorce sur les droits à la retraite ?

La retraite est un droit individuel. En soi, le fait de divorcer ne change pas le montant de vos droits personnels. Mais le conjoint qui s’est consacré à l’éducation des enfants, voire qui a travaillé gratuitement pour son conjoint entrepreneur, agriculteur ou commerçant, peut légitimement s’attendre à bénéficier de revenus pendant ses vieux jours. La dissolution du mariage crée alors une situation difficile. 

Quels dispositifs pour compenser l’impact financier de son divorce à la retraite ?

Plusieurs dispositifs, correspondant à diverses situations, peuvent venir compenser en partie votre perte de revenus :

  • Les trimestres de majoration pour enfants : aux régimes des salariés et des indépendants, les mères ont droit à 4 trimestres supplémentaires de durée d’assuranceDurée d'assurance requise<p>Aussi appelée «<span class="nbsp"> </span>durée minimale d'assurance<span class="nbsp"> </span>», il s'agit de la durée de cotisation légale, calculée en trimestres et tous régimes confondus, nécessaire pour percevoir une pension de retraite à taux plein.</p> par grossesse, auxquels s’ajoutent entre 2 et 4 trimestres pour l’éducation des enfants. 
  • La majoration pour 3 enfants : les parents de 3 enfants qu’ils ont élevés pendant au moins 9 ans avant leurs 16 ans bénéficient d’une majoration de 10% de leur pension de retraite (sur la retraite de base et sur la retraite complémentaire)
  • La surcote parentale : pour les personnes ayant bénéficié d’au moins 1 trimestre de majoration pour enfant, la pension de retraite est majorée de 1,25 % par trimestre travaillé au-delà de 63 ans ET de la durée totale d’assurance, dans la limite de 4 trimestre (soit 5 % de majoration). 
  • Le minimum contributif : les assurés ayant cotisé sur de faibles montants peuvent voir leur retraite revalorisée dans certaines conditions. 
  • Le régime des conjoints collaborateurs : depuis 2006, les personnes qui travaillent auprès de leur conjoint travailleur indépendant (artisan, commerçant, profession libérale,  agriculteur) sont systématiquement affiliés au régime de leur conjoint, sous un statut spécifique. Ce système permet de valoriser ces années de travail et d’obtenir une pension de retraite, même si les droits acquis sont inférieurs à celui du travailleur indépendant. 
  • La réversion (voir ci-dessous).

Est-ce que je peux toucher la retraite de mon ex-mari ?

En cas de décès de votre ex-conjoint, dans la plupart des régimes, vous avez droit à une pension de réversion. La retraite par réversion vise précisément à compenser l’inégalité des carrières entre époux, en permettant au conjoint survivant de percevoir une partie de la pension du défunt.

Attention cependant : la réversion est parfois soumise à condition de revenu (comme dans le régime de base des salariés), parfois non (comme dans le régime complémentaire des salariés). Dans certains régimes, le remariage du conjoint survivant entraîne la perte de ce droit.

Par ailleurs, si le défunt a été marié plusieurs fois, la pension doit être partagée entre les conjoints et ex-conjoints survivants, au prorata de la durée du mariage. Les règles varient suivant les régimes, y compris entre régimes de base et complémentaire d’un même statut professionnel.

Divorcer au moment du passage à la retraite représente un réel bouleversement, avec un impact financier et émotionnel considérable. Pour faire en sorte qu’il constitue le début d’une nouvelle vie, il est essentiel de se faire accompagner à tous points de vue par des experts compétents dans les domaines financier, juridique et psycho-affectif. Y voir clair sur ses ressources possibles est essentiel pour prendre les bonnes décisions.

Ce qu'il faut retenir du divorce à la retraite

 

  • Les seniors divorcent toujours moins souvent que les couples jeunes, mais ils le font de plus en plus.
  • Le divorce peut se traduire par une baisse importante des ressources de celui qui a le moins cotisé.
  • Le partage du patrimoine est un moment décisif qui conditionne l’équité du divorce.
  • Les régimes de retraite prévoient des dispositifs qui corrigent en partie, en cas de divorce, les déséquilibres liés aux différences de carrière.
     

Lire la partie précédente

Lire la suite

Cet article vous a t-il été utile ? Oui Non

Merci pour votre message !

Merci pour votre participation !

Fermer le volet

Laissez nous votre avis !

A découvrir aussi