Les enjeux de la retraite
17/01/2019
La réforme globale des retraites, promise par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, doit être présentée au Parlement en 2019. À l'heure où les Français s'interrogent sur les contours du nouveau système qui vise plus d'équité et de simplicité, retour sur les grands enjeux de la retraite.
Faire face au choc démographique
Une population qui vit plus longtemps et en meilleure santé
Aujourd'hui, environ ¼ des Français sont âgés de plus de 60 ans. En 2016, l'INSEE prévoyait qu'en 2070, plus d'¼ des Français seraient âgés de plus de 65 ans, dont 270 000 centenaires (contre 21 000 aujourd'hui).
Lors de la création du système de retraite tel qu'il existe aujourd'hui – en 1945 –, l'espérance de vie à partir de 60 ans était de 10 ans. Elle est ensuite progressivement passée, pour un homme, de 12 ans en 1975 à 23,2 ans en 2017. Cette hausse importante n'avait pas été anticipée par les ordonnances de 1945. En effet, l'espérance de vie n'avait quasiment pas bougé depuis le XIXe siècle.
Prévoir l'évolution démographique
Il est désormais inévitable de prendre en considération l'allongement continu de l'espérance de vie et du vieillissement dans les projections financières.
Pour le démographe et directeur des études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) Hervé Le Bras, une attention particulière doit être portée sur l'espérance de vie en bonne santé qui augmente plus que l'espérance de vie. Cet allongement est dû à la fois aux progrès médicaux et à une diminution de la mortalité dite « évitable » (alcool, tabac, suicides, accidents de la route, etc.).
Le démographe Patrice Bourdelet propose quant à lui une définition de la vieillesse selon laquelle « on est vieux quand il nous reste 10 ans à vivre ». En partant de ce point de vue, les retraités sont de moins en moins vieux, et les personnes qui arrivent à la retraite sont davantage des seniors fourmillant de projets personnels ou associatifs que des vieilles personnes dont il faut accompagner les derniers moments.
Les enjeux financiers du 3e (et du 4e) âge
Les enjeux financiers du vieillissement sur les retraites
Entre des personnes âgées qui vivent plus longtemps et une natalité qui recule légèrement, la part des retraités (qui touchent une pension) par rapport aux actifs (qui cotisent au système) a explosé, ce qui compromet l'équilibre financier.
Dans son rapport de juin 2018, le Conseil d'orientation des retraites (COR) indiquait que les besoins de financement allaient reprendre de l'ampleur avant de trouver un équilibre au milieu des années 2030. Il expliquait que, selon ses projections, le solde financier resterait négatif (- 0,2 % du PIB) en 2022. Pour cela il a dressé plusieurs scenarios dont le plus optimiste – qui prévoit un taux de croissance
de 1,8 % par an – annonçait un rééquilibrage du système en 2036, avec des besoins de financement culminant entre 2026 et 2030. Dans le scénario le plus pessimiste – avec une croissance de 1 % par an – d'importants déficits perdureraient en 2070
(- 1,2 % du PIB). Concernant les pensions moyennes de retraite, elles continueraient de croître « en euros constants » (déduction faite de l'inflation) tout comme le niveau de vie des retraités.
La question de la dépendance
Les retraites ne sont plus la seule source de difficultés financières du système social français, et pourraient bien un jour ne plus être la principale. En effet, le vieillissement de la population implique que de plus en plus de Français deviennent dépendants. Sont considérés comme « dépendantes » les personnes âgées qui ne peuvent effectuer seules les actes essentiels de la vie (comme manger ou se laver).
Les pensions de retraitePension de retraite<p>Somme versée périodiquement à un assuré après la liquidation de sa retraite, après cessation totale ou partielle de l'activité professionnelle.</p> ne suffisent pas toujours à couvrir les besoins de ces personnes. En effet la prise en charge de la dépendance lourde peut représenter un budget mensuel de 2 000 € à 3 000 €. Et l'apport de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA), créée en 2001, n'est pas toujours suffisant.
En 2014 (dernières données de la Drees), la prise en charge de la dépendance des personnes âgées représentait 30 Mds €, dont environ 23,7 Mds € en allocations ou aides publiques, soit 1,4 % de la richesse nationale. En plus de cette somme, les ménages dépensent 2,4 Mds € par an en salariant des aides à domicile.
Les Français se sont longtemps montrés très réticents à la perspective de s'assurer à titre individuel contre le risque de dépendance. Ils étaient cependant 7,1 millions fin 2017 à avoir souscrit un contrat d'assurance contre la dépendance – un chiffre en nette hausse par rapport aux années antérieures.
Réformer les systèmes de retraite, quels leviers ?
Des réformes paramétriques successives pour garantir la pérennité du système
Le retour à l'équilibre financier peut se faire en intervenant sur les 3 leviers suivants :
- allonger la durée de travail, soit en allongeant la durée de cotisation requise, soit en reportant l'âge de départ à la retraite ;
- augmenter le montant des cotisationsCotisation retraite<p>Somme prélevée sur les salaires et/ou les revenus professionnels afin de financer les retraites.</p> vieillesse obligatoires ;
- diminuer le montant des pensions versées.
Comme l'ont illustré les débats autour de la hausse de la CSGCSG ou Contribution sociale généralisée<p>Impôt créé pour aider au financement de la Sécurité sociale. Les pensions de retraite sont soumises à l'imposition de la CSG, hors certains cas d'exonération.</p> pour les retraités, les Français tiennent à préserver le pouvoir d'achat des retraités, et notamment le montant net de leur pension de retraite. C'est pourquoi, dans la pratique, les réformes des retraites précédentes n'ont actionné que les 2 premiers leviers.
Depuis 25 ans, toutes les réformes ont été paramétriques, et n'ont pas remis en cause les grands principes du système de retraite.
La réforme systémique pour rendre le système plus juste
La capitalisation est parfois présentée comme une solution aux problèmes de financement. Son avantage par rapport aux régimes par répartition – comme le régime général français – serait que les actifs financent leurs propres pensions futures au lieu que les actifs paient la pension des retraités. Cela comporte le risque que les actifs ne soient pas assez nombreux par rapport aux retraités. Il n'y aurait pas de déséquilibre financier, mais pas de solidarité entre générations non plus.
Si la capitalisation a longtemps été parée de vertus, c'est beaucoup moins le cas depuis la crise de 2008, lors de laquelle les Irlandais ont découvert que leurs fonds de capitalisation avaient perdu 35 % de leur valeur du jour au lendemain.
Depuis une décennie, des économistes, comme Antoine Bozio et Thomas Piketty de l'école d'Economie de Paris, plaident pour une remise à plat totale du système ou la création de nouveaux modes de fonctionnement. On parle alors de réformes « systémiques », en opposition aux réformes « paramétriques ». Elles présenteraient l'avantage de faciliter la compréhension du système de manière plus global, de clarifier ses objectifs et de faire des économies de fonctionnement.
La réforme des retraites qui sera mise en œuvre à partir de 2019 – dont l'objectif est qu'1 € cotisé donne les mêmes droits quel que soit le régime – s'annonce clairement comme une réforme systémique. Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, a confirmé que cette réforme ne repoussera pas au-delà de 62 ans l'âge minimum de départ à la retraite.
À RETENIR : les enjeux de la retraite
En 2070, plus d'1/4 des Français seront âgés de plus de 65 ans, et le pays comptera 270 000 centenaires.
L'espérance de vie à 60 ans est passée, pour un homme, de 10 ans en 1945 à 23,2 ans en 2017.
Les enjeux financiers de ce vieillissement concernent :
- le système de retraite : le COR prévoit un retour à l'équilibre pas avant 2036 ;
- la dépendance : problématique sociale montante (30 Mds € en 2014).
Les réformes paramétriques visent à rééquilibrer les finances d'un système de retraite en jouant sur la durée du travail, le taux des cotisations et le montant des pensions. Les réformes systémiques ont des objectifs plus larges, comme l'équité du système.
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